Conclusion | 06/07/2006 |
Signature | 06/07/2006 |
ACCORD MULTILATERAL DE COOPERATION REGIONALE DE LUTTE CONTRE LA TRAITE DES PERSONNES EN PARTICULIER DES FEMMES ET DES ENFANTS EN AFRIQUE DE L’OUEST ET DU CENTRE
Abuja, le 6 juillet 2006
PREAMBULE
Les Gouvernements des Etats membres de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, et de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale,
Ci-après dénommées ‘’Les Parties contractantes’’ :
Rappelant les liens de coopération et de solidarité que l’histoire et la géographie ont tissés entre eux ;
Préoccupées par l’ampleur grandissante du phénomène de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants à des fins d’exploitation dans les régions ;
Considérant leur engagement commun à promouvoir et de protéger les droits de l’homme en général, et d’accorder particulièrement aux enfants toute l’attention nécessaire pour assurer leur épanouissement intégral et harmonieux ;
Inspirées par la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, et le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants pour établir une coopération mutuelle au niveau international pour lutter conjointement contre la menace de la traite des personnes ;
Déterminées à mobiliser les efforts et les ressources nécessaires afin de punir tous ceux qui sont engagés dans la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants en poursuivant leurs crimes en tout lieu où ils se produisent ;
Conscientes du principe fondamental de l’intérêt supérieur de l’enfant et l'engagement à favoriser et à protéger les droits humains et, en particulier, le bien-être général d'un enfant en vue d'assurer son épanouissement intégral et harmonieux ;
Déterminées à mettre en œuvre les normes internationales relatives à la coopération et à l’entraide judiciaires notamment celle de la Convention générale en matière de justice de Antananarivo de 1961 à l’effet de la réalisation des objectifs du présent accord ;
Réaffirmant leur attachement aux instruments juridiques internationaux et régionaux, notamment :
S’inscrivant dans le cadre de la plateforme commune d’action de Libreville 1 (2000) des directives pour l’élaboration d’une convention sur la traite des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre de Libreville 2 (2002) et la déclaration de Libreville 3 (2003) relative à l’harmonisation des législations nationales ;
S’inspirant des Accords de lutte contre la traite des personnes dans les régions ;
Rappelant le Protocole de la CEDEAO sur le mécanisme relatif à la prévention, gestion et résolution des conflits, sécurité et maintien de la paix du 10 décembre 1999 et les dispositions sur le contrôle des crimes transfrontaliers ;
Considérant les Objectifs du Millénaire pour le Développement des Nations Unies (OMD) ;
Considérant l’engagement des Chefs d’Etat de la CEDEAO à travers le Plan d’action de Dakar de 2001 relatif à la lutte contre la traite des personnes ;
Rappelant la Déclaration et le Plan d’Action issus de la Session Extraordinaire de l’Assemblée Générale des Nations Unies consacrée aux enfants tenue en mai 2002 ;
Notant avec satisfaction les initiatives prises par les agences du système des Nations Unies et les organisations internationales, la coopération bilatérale, la coopération non gouvernementale internationale et nationale ainsi que les organisations de la société civile et d’autres partenaires, face à l’ampleur de la traite des personnes en Afrique de l’Ouest et du Centre ;
Reconnaissant que l’enfant victime de traite a besoin de mesures spéciales de protection pour son développement, son bien être et son épanouissement ;
Sachant que la lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants est une priorité des autorités des Etats d’Afrique de l’Ouest et du Centre qui appelle des actions concertées et urgentes ;
Notant que ces actions passent, entre autres, par la mise en œuvre de programmes de prévention contre le phénomène de la traite des personnes ainsi que par la réinsertion de ceux qui en sont victimes ;
Convaincues qu’un instrument juridique multilatéral constitue un outil nécessaire pour l’élimination de la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre ;
Sont convenues de ce qui suit :
TITRE I : DISPOSITIONS GENERALES
Chapitre I : Définitions
Article 1er : Aux fins du présent accord, on entend par :
(a) Traite des personnes :
l’action de recrutement, transport, transfert, hébergement, accueil de personnes par les moyens de menace ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation qui comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;
(b) Traite des enfants : le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil d’un enfant aux fins d’exploitation même si les moyens utilisés ne font pas appel à ceux énoncés à l’alinéa a) ci-dessus;
(c) Enfant : tout être humain âgé de moins de 18 ans ;
(d) Exploitation : entre autres, toutes formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes ;
(e) Etat d’origine : le pays dont une victime de traite est ressortissante ou, dans lequel elle avait le droit de résider à titre permanent au moment de son entrée dans l’Etat de destination ;
(f) Etat de destination : le pays dans lequel la victime de traite a été identifiée et secourue ;
(g) Etat de transit : le pays que traverse la victime de traite en route vers sa destination finale;
(h) Identification : le processus d’interception et d’obtention, par les services compétents, des renseignements sur l’état-civil, la nationalité et la situation de traite que vit la victime, et susceptibles de faciliter le rapatriement et/ou sa réinsertion ;
(i) Rapatriement : le processus sécurisé consistant à faire revenir une ou plusieurs victimes de traite dans leur pays d’origine, et dans le cas des enfants, devrait tenir compte de son opinion et de son intérêt supérieur. Il comporte l’identification, l’hébergement, les soins, la nourriture, l’appui psycho-social et le transport vers le pays d’origine ;
(j) Réhabilitation : ensemble d’actions permettant à la victime de retrouver sa dignité ou son statut social de personne humaine ;
(k) Réintégration : processus visant à ramener la victime dans son milieu d’origine ;
(l) Réinsertion : processus qui vise à ramener et à réadapter la victime à son milieu social et culturel ;
(m) Répression : toute action ou mesure tendant à poursuivre et à punir les trafiquants ou complices de la traite des personnes ;
(n) Prévention : ensemble de mesures prises en vue d’empêcher la traite des personnes ;
(o) Protection : ensemble de mesures visant à garantir les droits de la victime de traite, en particulier des femmes et des enfants. Une attention particulière devrait être accordée au respect total des droits de l’enfant victime ;
(p) Réunification : processus qui permet de réunir l’enfant et les membres de sa famille ou ceux qui se sont occupés de lui dans le but d’établir ou de recréer des rapports familiaux à long terme ;
(q) Coopération : ensemble des stratégies développées entre les pays, avec les organisations internationales, les organisations de la société civile et les communautés de base pour créer les conditions d’un partenariat efficace contre la traite des personnes ;
(r) Autorité compétente : dans le contexte de cet accord, désigne l’institution responsable de la prévention et la suppression de la traite des personnes dans les Etats parties respectifs et toute autre personne désignée par les Parties à cet accord ;
Chapitre II : Objectifs
Article 2 : L’accord vise les objectifs suivants :
Développer un front commun afin de prévenir, supprimer et punir la traite des personnes par la coopération au niveau international ;
Protéger, réhabiliter, réintégrer et réinsérer les victimes de traite à leur environnement d’origine quand c’est nécessaire ;
S’entraider dans l’investigation, l’arrestation et la poursuite des coupables à travers l’autorité centrale compétente de chaque Etat Partie ;
Promouvoir la coopération amicale entre les Parties dans la perspective d’atteindre ces objectifs.
Chapitre III: Principes
Article 3: La traite des personnes à quelque fin et sous quelque forme que ce soit est interdite.
Article 4: Toutes les victimes de traite, qu’elles soient des nationaux ou des étrangers, doivent être traitées dans le respect de leur dignité sans aucune discrimination.
Article 5: Quand l’âge de la victime est incertain et qu’il existe des raisons de penser qu’il s’agit d’un enfant, la présomption doit être que la victime est un enfant.
Article 6: Les Parties Contractantes conviennent, dans toute action en faveur des enfants victimes de traite, de privilégier le bien-être et l’intérêt supérieur de l’enfant, qui est primordial.
Article 7: Les Parties s’accordent sur le fait que les victimes de la traite ne doivent pas être considérées comme ayant violé la loi des Etats Parties pour toute action entreprise dans le cas de traitement qui leur est infligé par les trafiquants. Les Parties doivent prendre toutes les mesures possibles pour protéger les victimes de l’incarcération, d’abus, de tortures ou de punitions.
Chapitre IV : Champ d’application
Article 8: Le présent accord s’applique à la lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants, notamment dans les domaines de :
a) La prévention
b) La répression
c) La protection
d) Le rapatriement
e) La réunification
f) La réhabilitation
g) La réintégration
h) La coopération
TITRE II : OBLIGATIONS DES PARTIES
Chapitre I: Obligations communes
Article 9: Les parties contractantes mettent en place d'un commun accord des mécanismes appropriés tels que l’enregistrement des naissances, la documentation permettant d’empêcher que des enfants deviennent victimes et pour favoriser la recherche sur les trafiquants et la réintégration des victimes.
Article 10: Les Parties Contractantes s’engagent à:
a) prendre les mesures nécessaires pour prévenir et détecter la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ;
b) ratifier la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants ;
c) promulguer en conformité avec la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée et le Protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants une loi nationale réprimant la traite des personnes avec des dispositions spécifiques concernant la protection des enfants victimes ;
d) établir un comité de suivi national contre la traite des personnes en charge de développer un plan d’action national, et suivre sa mise en œuvre ;
e) mobiliser les ressources nécessaires au fonctionnement adéquat du comité de suivi national contre la traite des personnes et à la mise en œuvre du plan d’action national ;
f) définir des mécanismes permettant l’identification des victimes et l’identification des trafiquants et de leurs complices ;
g) échanger des informations détaillées sur l’identité des victimes, des trafiquants et de leurs complices, les sites et les opérations de rapatriement en cours, les informations nécessaires à la réussite de la lutte globale contre la traite de personnes en Afrique de l’Ouest et du Centre ;
h) préserver l’identité des victimes et la confidentialité des informations les concernant conformément aux normes internationales et à la législation nationale ;
i) incriminer et réprimer toute action favorisant la traite des personnes ;
j) extrader à la demande des Parties contractantes les trafiquants et leurs complices ;
k) développer des programmes spécifiques et des mécanismes permanents afin d’améliorer l’enregistrement des enfants à la naissance ;
l) développer le partenariat avec les organisations de la société civile et les partenaires techniques et financiers ;
m) élaborer et mettre en œuvre un Plan d’action conjoint CEDEAO/CEEAC de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre avec les outils de mise en œuvre :
n) prendre des mesures qui permettent le refus d’entrée dans le pays et/ou l’annulation des visas des personnes recherchées par la commission des crimes relatifs à la traite des personnes;
o) vérifier dans un délai raisonnable, lorsqu’il y a suspicion de cas de traite des personnes, la validité des documents de voyage et d’identité délivrés ou prétendus avoir été délivrés et suspectés d’être utilisés pour la traite des personnes ;
p) prendre des mesures qui d’une part, garantissent que les certificats de naissance et les documents d’identité délivrés sont d’une telle qualité qu’ils ne peuvent pas être falsifiés ou illégalement établis, dupliqués ou publiés et qui, d’autre part, empêchent leur création, délivrance et utilisation illégales ;
q) améliorer les systèmes d’éducation, de formation professionnelle et d’apprentissage ;
r) insérer un paragraphe sur le statut de mise en œuvre de cet accord dans le rapport annuel de chaque pays sur la traite des personnes à soumettre au Secrétariat général de la CEEAC et au secrétariat exécutif de la CEDEAO en lien avec le Plan d’action conjoint CEDEAO/CEEAC de lutte contre la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre.
Chapitre II: Obligations spécifiques
Article 11 : L’Etat d’origine s’engage à :
a) faciliter le retour de l’enfant victime dans les meilleures conditions et dans des délais raisonnables ;
b) enregistrer si nécessaire la victime rapatriée auprès de l’institution nationale appropriée responsable de l’état civil ou rétablir les aspects fondamentaux de son identité, notamment son nom, sa nationalité et sa filiation ;
c) impliquer les communautés d’origine des victimes, notamment les parents, les enfants, les écoles, les associations, les autorités administratives et politiques, coutumières et religieuses, les partenaires techniques et financiers dans la lutte contre la traite des personnes ;
d) identifier les zones d’origine, de transit, de destination, les itinéraires au sein et entre les Etats membres de la CEEAC et de la CEDEAO, en établir une cartographie et démanteler les réseaux de traite ;
e) poursuivre et punir les trafiquants et leurs complices ;
f) mettre en place un dispositif de gestion permettant de suivre le rapatriement, la réhabilitation, la protection et la survie des victimes, en particulier des enfants victimes conformément aux principes directeurs pour la protection des droits des enfants victimes de la traite ;
g) contribuer à la prise en charge du coût du rapatriement des victimes, en particulier des enfants avec la possibilité de se faire indemniser par décision judiciaire.
Article 12: L’Etat de destination s’engage à :
a) retirer immédiatement et prendre en charge la victime de traite (en particulier l’enfant) après son identification en tenant compte de son opinion et de son intérêt supérieur qui est primordial ;
b) délivrer à la victime de traite, en étroite collaboration avec les autorités administratives, la représentation diplomatique et/ou consulaire du pays d’origine, des documents administratifs adaptés à sa situation qui la protège jusqu’à son rapatriement ;
c) identifier les zones d’origine, de transit, les itinéraires au sein et entre les Etats Parties en établir une cartographie et démanteler les réseaux de traite en collaboration avec les communautés et les pays de transit et d’origine ;
d) poursuivre et punir les trafiquants et leurs complices ;
e) organiser le rapatriement des victimes de la traite, dans les meilleures conditions possibles en collaboration avec les autorités et communautés du pays d’origine, avec une attention particulière à la situation des enfants victimes ;
f) planifier et mettre en œuvre des mécanismes de rapatriement en concertation avec tous les partenaires impliqués en considérant en priorité la sécurité et la protection de la victime et lorsqu’il s’agit d’enfant, dans l’intérêt supérieur de l’enfant ;
g) mettre sur pied un système de gestion permettant de suivre le rapatriement, la réhabilitation, la protection et la réintégration de la victime ;
h) faciliter selon le cas, la réinsertion sur son territoire de l'enfant victime de la traite en application des « Principes directeurs pour la protection des droits des enfants victimes de la traite »;
i) récupérer et restituer à la victime de traite, les biens, les rémunérations, les indemnités ou toutes autres compensations qui lui sont dues, conformément à la législation en vigueur ;
j) créer des espaces de référence accessibles aux personnes vulnérables, y compris aller à la rencontre des victimes pour leur permettre d’accéder à l’information, aux conseils et aux services sociaux de base et leur donner les capacités de s’auto identifier comme des victimes de la traite ;
k) renforcer les investigations sur les zones de destination afin de développer des stratégies d’intervention ciblées sur le phénomène de la demande ;
l) vérifier si la victime de traite est un national ou a le droit de séjour permanent dans l'Etat d'origine et fournir de tels documents de voyage ou toute autre autorisation nécessaire pour permettre à la victime de traite qui serait sans documents de voyage de réintégrer son territoire sur demande de l’Etat de destination ;
m) contribuer à la prise en charge du coût du rapatriement des victimes, en particulier des enfants avec la possibilité de se faire indemniser par décision judiciaire.
Article 13: L’Etat de transit s’engage à :
a) identifier les zones d’origine, de transit, les itinéraires au sein et entre les Etats membres de la CEEAC et de la CEDEAO, en établir une cartographie et démanteler les réseaux de traite ;
b) garantir la protection des victimes de la traite sur son territoire ;
c) poursuivre et punir les trafiquants et leurs complices ;
d) délivrer à la victime de traite des documents administratifs adaptés à sa situation, et qui le protègent jusqu’à son rapatriement ;
e) organiser en étroite collaboration avec les autorités administratives, la représentation diplomatique et/ou consulaire du pays d’origine le rapatriement des victimes dans les meilleures conditions avec une attention particulière aux enfants ;
f) planifier et mettre en œuvre des mécanismes de rapatriement en concertation avec tous les partenaires impliqués en considérant en priorité la sécurité et la protection de la victime et lorsqu’il s’agit d’enfant, dans l’intérêt supérieur de celui-ci ;
g) mettre sur pied un système de gestion permettant de suivre le rapatriement, la réhabilitation, la protection et la réintégration de la victime ;
h) vérifier si la victime de traite est un national ou a un droit de séjour permanent dans l'Etat d'origine et fournir de tels documents de voyage ou toute autre autorisation nécessaire pour permettre à la victime de traite qui serait sans documents de voyage de réintégrer son territoire sur demande du pays de transit ;
i) faciliter le passage sur son territoire des partenaires impliqués dans la lutte contre la traite ;
j) contribuer à la prise en charge du coût de rapatriement des victimes sans préjudice des poursuites judiciaires en cours ;
k) assurer la prise en charge temporaire des victimes par les services ou départements spécialisés en attendant leur rapatriement, avec une attention particulière aux droits et au bien être de l’enfant victime.
TITRE III : ENTRAIDE JUDICIAIRE EN MATIERE PENALE
Article 14: Mesures d’entraide judiciaire
Conformément à leurs lois et règlements en vigueur, les parties contractantes prennent les mesures nécessaires pour s’entraider dans la recherche, la poursuite et l’arrestation des personnes impliquées dans les faits de traite des personnes.
L’assistance à cet égard inclut au minimum :
a) l’identification et la localisation des personnes suspectées de traite de personnes ou de faciliter la commission de l’infraction ou d’une infraction connexe ;
b) l’identification et la localisation des victimes ;
c) la signification des actes judiciaires ;
d) le recueil de témoignages ou de dépositions ;
e) la perquisition, la saisie, le gel et la confiscation des produits ou des instruments du crime ;
f) la mise à disposition des originaux ou des copies certifiées conformes de documents et dossiers pertinents, y compris des dossiers administratifs, bancaires, financiers, ou commerciaux ou des documents de sociétés ;
g) l’examen d’objets et la visite de lieux ;
h) la mise à disposition des informations, des pièces à conviction et des estimations d’experts;
i) la facilitation de la comparution volontaire des témoins ;
j) le transfert temporaire des personnes gardées à vue pour comparaître comme témoins dans l’Etat requérant ;
k) la protection et la fourniture des soins et des services de bien être social aux victimes de la traite, coopérant à l’enquête et/ aux poursuites judiciaires ;
l) la production d’archives judiciaires ou officielles ;
m) l’identification ou la localisation des produits du crime, des biens des instruments ou d’autres choses afin de recueillir des éléments de preuve ;
n) l’arrestation ou la détention de toute personne impliquée en vue de son extradition ;
o) l’application dans l’Etat requis des jugements en matière criminelle prononcés dans l’Etat Partie requérant dans les limites mentionnées par la loi de la Partie requise.
Article 15 : Autorité compétente
a) pour assurer une bonne coopération entre les parties devant se prêter mutuellement assistance dans les limites du présent Accord, ces Parties désigneront leurs autorités compétentes respectives pour coordonner les requêtes et y répondre de manière appropriée ; l’autorité centrale désignée à cette fin fait l’objet d’une notification adressée au Secrétaire Exécutif de la CEDEAO et au Secrétaire général de la CEEAC ;
b) chaque autorité compétente aura des consultations régulières avec les autres dans le cadre du mécanisme de contrôle afin d’assurer une mise en ouvre efficace du présent Accord, ainsi que pour anticiper et résoudre les problèmes susceptibles de surgir lors de son application. Aux fins du présent Accord, les autorités compétentes se rencontreront à la demande de l’une d’entre elles à un moment et un lieu mutuellement accepté par les Parties.
Article 16: Teneur de la demande d’entraide judiciaire
a) les demandes d’entraide judiciaire en matière pénale seront soumises par écrit à la partie requise dans la langue officielle de cette Partie, ou dans une langue accessible à l’Etat Partie requis. En cas d’urgence et si les Parties en conviennent, les demandes peuvent être faites oralement, mais doivent être confirmées sans délai par écrit ;
La requête contiendra au moins les informations suivantes :
b) Dans la mesure du nécessaire et du possible, la requête doit aussi comprendre :
c) la requête sera exécutée conformément au droit interne de l’Etat requis ;
d) en cas de demande de documents devant être traités par l’autorité compétente, ces documents seront annexés aux requêtes et dûment traduits, certifiés et légalisés ;
e) la Partie requise gardera confidentiels la requête et son contenu, sauf autorisation contraire donnée par l’autorité compétente de la Partie requérante. Si la requête ne peut pas être exécutée sans violation de la confidentialité demandée, l’autorité compétente de la partie requise en informera l’autorité compétente de la Partie requérante qui décidera si la requête doit néanmoins être exécutée. En pareil cas, les autorités compétentes se consulteront pour définir mutuellement les bonnes conditions de confidentialité, conformément aux dispositions du présent Accord ;
Si l’Etat requis considère que les informations contenues dans la requête ne sont pas suffisantes pour permettre l’exécution de ladite requête, cet Etat peut, dans un délai raisonnable et sans retard inutile, demander un complément d’information.
Article 17 : Limites à l’utilisation des informations ou des preuves
A l’occasion de l’exécution des demandes :
a) la Partie requérante ne devra pas, sans le consentement de la Partie requise, utiliser ou transférer les informations ou les preuves fournies par la Partie requise pour des investigations ou des procédures autres que celles indiquées dans la requête ;
b) la Partie requérante se conformera à la demande de la Partie requise selon laquelle les informations fournies par elle, doivent demeurer confidentielles ;
c) tous les liens et documents originaux remis à la Partie requérante conformément au présent
Accord devront être restitués à la Partie requise dès que possible, à moins que celle-ci renonce à ses droits d’en demander le retour ;
d) l’utilisation de toute information ou preuve obtenue dans le cadre du présent Accord et qu’il est nécessaire de rendre public dans l’Etat requérant lors des audiences résultant de l’investigation ou de la procédure décrite dans la requête, ne fera pas l’objet de la restriction visée au paragraphe a) du présent article.
Article 18: Documents
a) la Partie requérante ne devra pas, sans le consentement de la Partie requise, utiliser ou transférer des informations ou des preuves fournies par la Partie requise pour des investigations ou des procédures autres que celles indiquées dans la requête ;
b) la Partie requérante se conformera à la demande de la Partie requise selon laquelle les informations fournies par elle, doivent demeurer confidentielles.
Article 19: Disponibilité des personnes pour fournir des preuves ou prêter assistance à l’investigation Conformément à ses lois et, dans la mesure du possible, à la procédure indiquée dans la requête, la Partie requise recevra les témoignages sous serment, ou encore obtiendra des déclarations des personnes ou tout moyen de preuve demandé dans la requête et devant être transmis. Les éléments obtenus seront transmis avec diligence et dans un délai raisonnable.
Article 20: Frais
Sauf accord préalable des Etats concernés par la question, les frais générés par l’exécution de la demande d’entraide sont réglés comme suit :
a) les frais ordinaires encourus pour exécuter une demande dans le cadre du présent Accord sont a la charge de l’Etat Partie requis, à moins que qu’il n’en soit convenu autrement entre les Etats Parties concernés ;
b) lorsque des dépenses importantes ou extraordinaires sont ou se révèlent ultérieurement nécessaires pour exécuter la demande, les Etats Parties se consultent pour fixer les conditions selon lesquelles la demande sera exécutée, ainsi que la manière dont les frais seront assumés. En l’absence d’accord, l’Etat Partie requis pourra refuser d’exécuter la demande ;
c) la Partie requérante supportera les frais de voyage et les faux frais des témoins se rendant dans l’Etat Partie requis, y compris ceux des officiels qui les accompagnent, ainsi que les honoraires des experts et les frais de traduction demandés par la Partie requérante.
TITRE IV: MECANISME DE SUIVI
Article 21: Les Parties conviennent de créer une Commission Régionale Permanente Conjointe de Suivi (CRPCS) dénommée ci-après « la Commission » et disposant d’un secrétariat conjoint créé, au sein de la CEEAC et de la CEDEAO.
Article 22: La Commission est chargée de/du :
a) suivi et évaluation des activités entreprises par les Parties contractantes dans le cadre de la mise en œuvre de l’Accord en publiant des rapports annuels ;
b) proposer des approches de solution aux problèmes auxquels les organismes des Etats chargés de la lutte contre la traite des personnes peuvent être confrontés ;
c) échanger des expériences sur les soins et la réinsertion, ainsi que des informations sur l’identité des victimes, des trafiquants et leurs complices, les mesures prises contre eux, les lieux de rapatriement et des opérations ;
d) recevoir et examiner les demandes d’adhésion au présent Accord ;
e) convoquer des conférences interrégionales biannuelles à l’intention de toutes les parties prenantes des Etats Parties sur la traite des personnes, de manière tournante ;
f) proposer des avis et des recommandations.
Article 23: La Commission régionale permanente conjointe se composera initialement de huit membres, soit quatre provenant de la CEDEAO et quatre de la CEEAC, y compris des représentants des sociétés civiles, de façon tournante pour un mandat de deux ans, et ensuite de seize membres dont huit succéderont annuellement à ceux dont le mandat à la Commission expire;
Article 24: La Commission régionale permanente conjointe définit son règlement intérieur.
Article 25: La Commission régionale permanente conjointe se réunit une fois l’an de manière rotative dans les régions de la CEDEAO et de la CEEAC en un lieu à fixer par la CEDEAO et la CEEAC, mais elle peut aussi se réunir en session extraordinaire à la demande des 2/3 des parties contractantes.
Article 26: L’assistance et les procédures prévues par le présent Accord n’empêchent pas un
Etat Partie d’accorder son assistance sur la base des dispositions d’autres accords internationaux auxquels il pourrait être partie, ou des dispositions de ses lois nationales. Les Parties peuvent aussi se prêter assistance sur la base d’un arrangement ou d’un accord bilatéral ou multilatéral, ou encore d’une pratique applicable.
Aucune disposition du présent Accord n’affectera les droits, les obligations et les responsabilités des Etats et des individus établis dans le cadre du droit international, y compris le droit international humanitaire et le droit international relatif aux droits de l’homme et, plus particulièrement la Convention des Nations Unies sur la criminalité transnationale organisée et son protocole additionnel visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes en particulier des femmes et des enfants, la convention des Nations Unies de 1951, modifiée par son protocole de 1967 relatif au statut des Réfugiés ainsi que la Convention de l’OUA de 1969 régissant les aspects propres aux problèmes des réfugiés en Afrique.
Article 27: Les Secrétariats de la CEDEAO et de la CEEAC recevront des rapports annuels des Etats membres des deux organisations.
TITRE V: DISPOSITIONS FINALES
Article 28: Le présent Accord est ouvert à la signature de tous les Etats membres de la
CEDEAO et de la CEEAC désireux d’y adhérer.
Article 29: Le Secrétariat général de la CEEAC et le Secrétariat exécutif de la CEDEAO exercent conjointement les fonctions de dépositaire du présent accord.
Tout Etat membre de la CEDEAO ou de la CEEAC désireux d’adhérer au présent Accord adresse une notification au Secrétariat exécutif de la CEDEAO ou au Secrétariat général de la CEEAC qui en informent les autres Etats parties. La notification signée par l’Autorité compétente de l’Etat engage l’Etat requérant à respecter les dispositions contenues dans le présent Accord.
Quarante cinq (45) jours après la notification aux Parties contractantes, si aucune réponse n’est obtenue, le pays requérant est considéré comme partie à l’Accord. Le pays requérant prend les dispositions nécessaires pour fournir aux deux Secrétariats les documents relatifs à son adhésion.
Article 30: Les Parties Contractantes peuvent adopter des mesures plus contraignantes que celles prévues dans le présent Accord, pour autant que ces mesures visent à prévenir la traite des personnes et ne soient pas contraires à l’esprit ou à la lettre du présent Accord et aux des instruments juridiques conclus dans leurs espaces sous-régionaux respectifs en matière de libre circulation des personnes et des biens.
Article 31: Les Parties Contractantes peuvent convenir d’amender ou de modifier les dispositions du présent Accord. Ces amendements ou modifications entrent en vigueur dès leur adoption par les Parties Contractantes.
Article 32: Tout différend né de l’application ou de l’interprétation du présent Accord entre deux ou plusieurs Parties Contractantes sera réglé par voie diplomatique et à l’amiable entre les Parties Contractantes concernées.
Article 33: Le présent Accord n’exclut pas la signature d’accords bilatéraux entre les Etats signataires.
Article 34: Le présent Accord est ouvert à la signature ou à l’adhésion par les Etats membres de la CEDEAO et de la CEEAC, et entrera en vigueur à la date de la signature ou de l’adhésion.
Article 35 : Toute Partie au présent accord désireux de s’en retirer notifie par écrit, dans un délai d’un an, sa décision à la Commission Régionale Permanente conjointe. La Commission Régionale Permanente en informe toutes les autres Parties. A l’expiration de ce délai, si sa notification n’est pas retirée, cette Partie cesse de prendre part à l’Accord.
Le présent Accord est rédigé en un seul original en langues française, anglaise, portugaise et espagnole, les quatre textes faisant également foi.
Fait à Abuja, le 6 juillet 2006